Eh, je suis toujours là ! (Ne m'enterrez pas avant l'heure !)
Depuis décembre 2023, j'ai démarré un projet de fin de vie. Nous sommes en 2025 et même si la douleur et les autres symptômes me rendent aussi alerte et présentable qu'un zombie, je fais encore partie du club des vivants. Et cet entre-deux semble susciter bien des incompréhensions. Laissez-moi vous faire toucher du doigt la violence innocente de quelques comportements auquel je peux faire face.
Depuis que j'ai pris ma décision, tout ceux à qui j'en fais part ont une opinion dessus, quelle qu'elle soit. Trop de gens oublient que c'est une réflexion tellement personnelle, tellement intime, qu'ils n'ont ni les moyens ni le droit de la juger. Promis, je n'ai pas pensé à ça comme j'aurais planifié un pique-nique estival hein !
Mais surtout... les gens oublient que je suis toujours là et qu'en attendant la mort je dois gérer le quotidien avec tout ce qu'il a de difficile pour moi. Accessoirement, ils oublient également que leurs mots peuvent m'atteindre et que leurs avis déplacés peuvent blesser aussi sûrement qu'un coup.
J'apprécie assez peu d'entendre des quidams discuter entre eux à mon propos, parfois alors même que je suis à peine à deux pas d'eux. Je les entends trop souvent dire qu'on est dans une impasse thérapeutique concernant mes souffrances mais que bon, c'est pas si grave puisque j'ai cette démarche de demande d'euthanasie en cours ! Dans ces moments, j'ai un peu envie de leur hurler dessus pour leur rappeler que cette démarche ne se fait pas non plus en un claquement de doigts, et qu'en attendant son aboutissement, j'aimerais bien pouvoir vivre le plus confortablement possible.
Je vous rassure, je garde néanmoins mon plus gracieux sourire de déterrée et une diplomatie à toute épreuve... enfin, presque !
Attention, j'ai parfaitement conscience que les médecins ne sont pas magiciens et que si la chimie est impuissante à calmer ma douleur, protester ne changera rien à cette réalité. En revanche, il est encore possible de jouer sur une multitude de petites choses pour rendre les choses plus supportables : de l'aide professionnelle pour me laver quand mon corps est une plaie géante que je ne peux mobiliser plusieurs jours de suite, du matériel et des vêtements adaptés à mes symptômes, de la kiné douce, que sais-je.... Pour le moment, moi, Chéri et Sandro bricolons au jour le jour, mais un coup de patte ne serait pas de refus ! Sauf que voilà, concernant tout ça, chaque professionnel se renvoie la balle (en l'occurrence moi) et je suis lancée dans mille démarches sans fin pour ne rien voir se mettre en place, ce qui m'épuise encore davantage.
J'aimerais aussi aborder un autre point concernant le poids que les gens peuvent placer plus ou moins involontairement sur mes épaules : j'ai fait un choix lourd en sollicitant une euthanasie. Je le sais, celui-ci n'engage pas que moi. Il implique des conséquences multiples, notamment pour Chéri et nos deux filles. Tout un après doit se préparer, même si c'est difficile. Mais j'ai un peu de mal avec ceux qui me demandent sans cesse si j'ai du neuf, si je sais enfin quand le geste final sera pratiqué, où, comment...
Dites donc, on ne parle pas d'une fête à organiser, mais de mon très probable décès dans un lit d'hôpital ! Alors oui, c'est moi qui ai lancé cette procédure. Oui, ici et maintenant je suis persuadée que c'est la meilleure chose à faire. Oui, cette certitude est ancrée, stable et continue depuis un bon moment. Mais il ne faut pas oublier une chose :
Je l'ai déjà signalé, c'est vertigineux d'envisager sa mort. Et apprivoiser ce concept n'a rien d'aisé. J'avance chaque jour sur ce chemin, pas à pas. Mais je garde le droit de renoncer jusqu'au seuil de la porte (et éventuellement après si un nécromancien se joint à la fête !). Et même si je ne compte pas en user, ce serait bon qu'on s'en souvienne. Trop régulièrement, j'ai l'impression qu'autour de moi deux clans se dessinent : ceux qui refusent mon choix et ceux qui le gravent dans le marbre et semblent m'interdire tout retour en arrière, voire me poussent en avant pour pouvoir mieux se projeter dans l'après.
Bref. Un parcours de fin de vie ne se mène pas comme un sprint. C'est une course de fond durant laquelle on peut toujours trébucher. Et dont il est important d'améliorer le confort. Parce qu'en attendant la mort, je radote mais il faut bien vivre !