La procédure de fin de vie, un bon film à suspens ?
J'ai promis sur certains réseaux de prendre le temps de faire un article long et fouillé sur le projet de loi Fin de vie en ce moment questionné en France et, plus largement, sur les quelques notions attachées à ces sujets que tout le monde semble brandir en e moment dans tous les sens. Je ferai ce travail de patience, mais il faut que je prenne le temps. Etant actuellement en plein dans les démarches concernant ma propre demande d'euthanasie, je dois redoubler d'efforts pour ne pas me laisser déborder par un trop-plein de subjectivité mal placée. Et quiconque me connaît sait comme les mots "redoubler d'efforts" m'arrachent facilement une vilaine grimace ! Donc patience, j'y bosse mais je ne cours pas.
En attendant et en bonne égocentrique que je suis, je vais revenir à mes propres péripéties.
Mardi dernier, j'ai rencontré comme prévu un neurologue belge réputé. Ce monsieur était charmant, mais le moment était vertigineux. J'emploie beaucoup ce terme, décidément ! Il faut avouer qu'il représente bien l'ampleur des enjeux à chaque démarche, à chaque réflexion concernant ma fin de vie. Mais tout passe quand même mieux quand la personne avec laquelle on échange est respectueuse et prend le temps de peser ses mots et ses questions.
GentilNeurologue voulait prendre son temps pour lire mon dossier, et surtout pour discuter avec moi plus longuement que dans le créneau imposé pour une consultation classique. Il fallait donc convenir rapidement d'un nouveau rendez-vous et donc, prévoir de prolonger ma balade en Belgique. Prochain entretien calé pour le 25 avril. Heureusement que je suis hébergée et soutenue dans le plat pays comme dans la terre des galettes, parce que vu mon épuisement et les joies d'une promenade en fauteuil roulant sur les pavés bruxellois... je ne tiendrais pas sans ces appuis.
Mais cela a, comme toujours, des coûts intimes non négligeables : je loupe le retour de vacances de mes filles, une chasse aux oeufs de pâques, leur reprise de l'école, un petit spectacle de Mini... tout ça ne se rattrapera pas. Et je ne peux pas encore organiser mon retour qui dépendra donc probablement de ce qui sera dit vendredi. Ca n'a l'air de rien, mais quand le temps est compté, chaque jour en moins prend un poids particulier.
Bref, prochain checkpoint en fin de semaine. Et GentilNeurologue a été clair sur plusieurs points : oui, il entend ma demande et elle lui semble cohérente avec la situation. Oui, il y a probablement une part fonctionnelle à mes douleurs et symptômes. Non, cela n'invalide pas la possibilité de l'aide à mourir. Oui il va prendre le temps d'examiner si on peut trouver mieux que cette réponse désespérée à ma situation désespérée, par acquit de conscience, mais il sait ma demande réfléchie et urgente. Autrement dit : hâtons-nous lentement.
J'aimerais vous laisser sur ma pensée du soir. Oui, bon, vous pouvez appeler ça philo de cuisine ou radotage sinon...
Il y a quelque part une étrangeté à vouloir ne plus être (surtout quand on ne croit pas en un au-delà quelconque) et encore plus, à le vouloir à un point assez fort pour demander à un homme dont l'essentiel du métier consiste à soigner ses patients qu'on est légitime à solliciter une aide à mourir. Ne plus être, ce n'est pas concevable. Ce n'est pas juste "arrêter de souffrir". Je ne savourerai aucun soulagement une fois le geste accompli, si on m'accorde ce que je demande. Simplement, je ne serai plus. Je vous assure que mon ego déteste cette idée... Pourtant, je souhaite malgré tout mener ma démarche jusqu'au bout. Et c'est bien la première fois que quelque chose surpasse mon ego !